- PULCINELLA
- PULCINELLAPULCINELLAPulcinella est l’un des types de la commedia dell’arte. Apparu au XVIIe siècle dans le théâtre napolitain, il devint bientôt célèbre en Europe et se maintint dans le théâtre populaire jusqu’à la fin du XIXe siècle.On a cherché depuis le XVIIIe siècle à conférer des lettres de noblesse à la comédie italienne en la faisant dériver du théâtre latin. Il est impossible aujourd’hui d’admettre ces filiations, trop lointaines pour être attestées par des documents datés. Le Maccus des atellanes, avec sa bosse, son crâne rasé, son nez crochu, témoigne plutôt à nos yeux d’un théâtre d’acteurs, et d’acteurs populaires, qui firent entendre à Rome les accents osques de la Campanie. Les comédiens professionnels, dell’arte, même s’ils se produisaient dans les festivités de cour devant un public lettré, étaient les héritiers des jongleurs et des saltimbanques et ressortissaient comme eux à un monde artisanal, mi-rural mi-citadin. C’est par ce biais qu’on peut les rapprocher des acteurs osques ou fescennins que Caton l’Ancien préférait à la littérature dramatique hellénisée.Quand, au XVe siècle, la culture méridionale se sépara de la culture toscane, les écrivains napolitains adoptèrent le genre de la farce (composition dramatique mêlée, «farcie» de chants et de danses) et le peuplèrent des personnages de la vie quotidienne. On en retrouvera l’esprit dans les pulcinellate , les pièces avec Pulcinella, mais le personnage naquit plus tard et dans l’orbite des troupes originaires du Nord. À Venise, en 1515, un acteur triomphait dans les intermèdes comiques sous le nom de Zan Polo, qui est Jean-Paul et aussi Jean le Poulet: c’est le premier «masque» à porter le même surnom animal que Pulcinella, sans doute à cause de la voix qu’il se donnait. À cette époque, à Naples, on figurait un personnage vêtu d’un sarrau et d’un large pantalon, affublé d’un masque au nez crochu : Pascariello ou Cola, paysan sans cervelle qui avait pour patronyme Cetrulo («le cornichon»). La synthèse de tous ces éléments se fit pour la première fois en 1609: Silvio Fiorillo porta à la scène Pulcinella Cetrulo. On le considère comme son inventeur, bien qu’il soit lui-même aussitôt revenu à son masque habituel, le Capitan Matamoros.Dès lors, les troupes napolitaines jouèrent la balourdise vraie ou feinte de Pulcinella contre la rouerie de Coviello, la folie contre la logique, tandis que les troupes du Nord opposaient Arlequin à Brighella. Pulcinella partit en tournée avec les comédiens dell’arte. On le trouve en France dès le début du XVIIe siècle; Callot lui dessine des moustaches guerrières (Balli di Sfessania , 1621); sous le nom de Polichinelle, il est un des protagonistes des mazarinades. Dans le premier intermède du Malade imaginaire (1673), Molière le représente encore en Napolitain, donneur de sérénades et faux brave. Polichinelle fit ensuite, avec sa bosse et son tricorne, une carrière française originale, en particulier comme marionnette. Parallèlement, il s’implanta en Espagne sous le nom de Don Cristóbal Pulchinela et en Angleterre (1660), où il devint le redoutable Punch.Cette plasticité à des contenus divers est une propriété des «masques». Pulcinella, plus que tout autre, a incarné les visages successifs de Naples au long des XVIIIe et XIXe siècles. Il figura dans les opéras-bouffes, les drames de brigands et de châteaux hantés, les tragédies populistes. Un usage pervers du personnage en fait le symbole du Napolitain atemporel. Les grands acteurs-auteurs au contraire — ceux notamment qui se sont succédé sur les scènes vouées au théâtre traditionnel, comme les Cammarano, Vincenzo (1720-1802), Filippo (1764-1842) et Giuseppe (1766-1850) ou les Petito, Salvatore (1793-1869) et Antonio (1822-1876) — ont toujours inséré les situations dramatiques dans l’actualité, avec une tendance à la satire qui les fit souvent mal voir des autorités. Mais ils n’ont pas renoncé pour autant à la folie du personnage, qui culbute les convenances et subvertit le discours.Bien que les pulcinellate n’aient pas entièrement disparu entre les deux guerres mondiales, les héritiers du «masque» furent à cette époque les grands acteurs du varietà , comme Petrolini (1866-1936) et Totò (1898-1967). Ils ont sculpté leur visage comme un masque et introduit le surréel dans la caricature. En dehors de ces greffes succulentes, le recours à Pulcinella est suspect de nostalgie. Stravinski a peut-être conclu de façon exemplaire la destinée de Pulcinella en composant à la demande de Diaghilev un ballet inspiré des sonates en trio de Pergolèse (1710-1736). Son Pulcinella (1920) respecte la fraîcheur mélodique et la vivacité rythmique de l’art napolitain; l’orchestration qu’il lui a donnée en souligne les contrastes et les ruptures d’équilibre; mais il ne se l’est pas entièrement approprié. Eduardo De Filippo a encore porté à la télévision un Pulcinella d’Eduardo Scarpetta, dans Le Courage d’un pompier napolitain (Lu Curaggio de nu pompiere napulitano , 1877), et la jeune compagnie de Carlo Cecchi s’attache avec le même soin amusé au répertoire d’Antonio Petito. Pulcinella n’existe aujourd’hui que par le pastiche ou la résurrection.
Encyclopédie Universelle. 2012.